La maison dans la Sarthe

La G…

Je me rappelle le premier jour. Son chemin qui descend, bordé d’arbres a éveillé ma curiosité et mon intérêt. J’étais peut-être enfin arrivée à bon port. Au détour du chemin, par-delà la grange, la maison m’est apparue avec son air de guingois, ses toits tantôt d’ardoise, tantôt de tuile, tantôt de tuiles et d’ardoises, ses murs en pierres apparentes, ses différents niveaux sur le terrain en pente. Et incrédule après tant de temps de recherche, je reçus comme un coup au coeur. Lorsque je suis entrée dans la maison, par la cuisine, cette attirance est devenue une réelle joie. Il fallait que j’appelle les enfants.Depuis, j’ai connu le pire : le sol spongieux du jardin, l’eau qui s’infiltre dans la maison et coule dans le salon m’ont fait comprendre que, comme dans toute relation, il allait falloir retrousser ses manches. Et telle une personne vénale, elle m’a fait engager des sommes importantes pour l’amadouer.Elle sait aussi se faire aguicheuse : les reflets du soleil sur la tommette se réfractant, oranges, sur les murs, tels un maquillage, les petits craquements des accoudoirs en bois des fenêtres aux moindres changements de température, tels des murmures, ne cessent de me séduire.

Dans le jardin, les lièvres sont assis. Surpris de ma présence, après un bref échange de regards, ils décampent alors que je reste médusée de leur culot. Au printemps, les trilles des alouettes des champs survolant le jardin se mêlent aux crissements des mésanges charbonnières perchées dans le saule pleureur ou le noyer et aux cliquetis aigus des bergeronnettes accrochées au toit, au-dessus de la flaque de la gouttière. En automne, les écureuils affairés montent et descendent le tronc du cèdre et s’affairent sur le terrain à la recherche de quelque noisette. Régulièrement, je suis avertie de l’approche du faisan par son cri rauque. Il traverse, superbe, de son pas tranquille, la route et le jardin et préfère, au vol, les escaliers qui longent la maison. Il ne s’agite que pour battre des ailes et pousser son  « coc, coc » assourdissant. Ses poules faisanes, telles des hystériques, s’affolent et s’envolent en criaillant à mon approche.

Le soir, les chauves-souris, comme répondant à un imperceptible signal, sortent de conserve de dessous le toit de la grange. Elles partent à la chasse aux moustiques. C’est l’heure où le moindre bruit porte. Parfois, une forte vibration résonne dans la maison. Je ne sais pas encore si c’est le bruit de l’araignée en train d’emmailloter une mouche à toute vitesse ou de la mouche qui se débat sans pourtant pouvoir bouger.

Et la nuit, bien que la maison soit totalement isolée, je m’y sens à l’abri, comme dans un nid, je m’y love avec délice. Je ne désespère pas d’entendre un jour au-dessus de ma tête le pas de la chouette qui se réveille.

Le coup de foudre que j’ai ressenti envers cette maison s’est transformé. Vous pouvez ne pas être d’accord sur ses qualités mais moi je sais ce qu’elle vaut. J’ai confiance en elle. Je m’y retrouve et m’y découvre. J’y ressens une plénitude sereine et vous invite à y faire de même.

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Dépendance

Chantonnant, nez en l’air,
J’avançais rêveuse et légère
Ignorant qu’en un clin d’œil
De mon autonomie je ferai le deuil.

Heureusement, nous sommes ainsi faits
Qu’il nous est impossible de voir venir
Les maux que nous prépare l’avenir
Ou nous vivrions catastrophés.

Dur retour à la réalité
Lorsque j’ai vu le trottoir
S’approcher avec célérité.
Pas le temps de m’émouvoir.

Oui, mais ça a craqué
Et ma vie a bifurqué.
Oh pas définitivement,
Mais suffisamment.

Assez pour comprendre
Ce que c’est que de dépendre
Des autres. Soudain se sentir vieux
Même si c’est pour aller mieux.

Sans cesse avoir l’impression de déranger
Mais demander de l’aide pour pouvoir se laver
Et s’habiller sans rien aggraver.
Attendre, comme un enfant, pour manger.

Se vouloir discret, se vouloir indulgent
Devant la perte de temps pour l’entourage.
Mais en même temps se savoir exigeant
Plein de douleurs, plein de rage.

Ravaler son amour-propre mal placé
Devant toute cette sollicitude.
Cette étape va bientôt être dépassée
Bientôt, on retrouvera ses petites habitudes.

En fait, on m’a aidée sans retenue
Et sans cette chaîne de générosité
Alors que j’étais accidentée,
Je ne sais ce que je serais devenue.

Il n’est pas toujours facile d’aider
Mais je sais à présent que d’être dépendant,
D’être de soi dépossédé,
L’est encore moins cependant.

Faire intervenir des institutions
Ne devrait être que l’unique solution
Pour qu’avec nos proches à nos côtés
Nous puissions vivre en toute égalité.

Avoir autre chose à leur offrir,
Que l’on soit ou non introverti,
Que la vue d’un corps décati
Même si par amour ils peuvent le souffrir.

Et sans arrière-pensée qui trotte
Pouvoir rester tête haute
Et n’avoir plus avec eux
Que des échanges affectueux.

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